LES ÉTRANGERS

Ils sont douze sur scène, numérotés de un à douze. Il y a UNA, DOS, TRI, QUADRA, CINQUE, SIXA, SEVEN, OCTA, NIN, DIXI, ELFA, DeDOUZE. Derrière ces numéros, il y a des personnages nettement typés. En fait, ce sont des pions que l'auteure au début place chacun dans sa case sur l'échiquier du jeu. Elle va les manoeuvrer de telle sorte qu'ils se croisent, se parlent ou s'ignorent. Parmi eux quelques étrangers, cependant leur nationalité importe peu, là n'est pas le propos de la pièce. S'ils sont réunis sous le titre Les Étrangers, on découvre vite que le vrai problème c'est qu'en fait ils sont presque tous étrangers les uns aux autres, ils restent enfermés dans leur bulle. Même quand ils se marient, leur couple échoue lamentablement. Et c'est finalement cette incapacité de partager des projets communs ouverts sur l'avenir qui est inquiétante.

Seule compte, semble-t-il, la réussite sociale et elle est bien maigre parfois. On crève dans son coin du besoin d'exister aux yeux des autres, d'être aimé pour soi-même, mais les échanges sont aussi artificiels que ceux que nous propose la télévision. Eh oui, tout compte fait, ces personnages ne sont que des numéros dans un jeu de société qui est peut-être à l'image de ce que nous vivons aujourd'hui...

                                                                Bernard Liègme

Pièce à douze personnages – pour douze jeunes comédiens, 9 filles, 3 garçons.

Création par l'école de théâtre du Théâtre Populaire Romand, mise en scène Cédric Du Bois, La Chaux-de-Fonds, septembre 2006.

« La pièce montre une difficulté de communication: de ce point de vue, on n'est pas sorti de l'auberge! Du déficit de communication naît un problème identitaire, mais l'inverse est aussi vrai. Dans la pièce les personnages ne réussissent pas vraiment à échanger, aussi tous sont des étrangers... même les «bons Suisses». Cela dit, la pièce n'est pas que sombre, l'humour permet à des jeunes de la jouer. Elle est aussi un clin d'œil, j'aime la dérision. C'est le fond qui est noir, si on prend la peine de décortiquer. J'aimerais bien qu'à la fin le public soit prêt à rire de cette misère. L'humour, le recul sont peut-être des solutions… la vie avec une étincelle dans l'œil. »

Emanuelle Delle Piane